Un petit quelque chose à mâchouiller

C'était à la ferme où j'ai décidé de faire un saut afin d'accrocher des légumes bios.

Je suis dans une phase "écolo-grano" et c'est pas péjoratif du tout. Je m'intéresse et fais beaucoup de recherches sur l'alimentation, l'environnement et la santé. Je cherche à faire mieux et à faire ma part: donc manger mieux, nourrir mieux, réduire mon empreinte environnementale et encourager "local". Acheter directement à la ferme, bio en prime, c'est la quintessence de tous ces désirs réunis, non?

Direction Cadet Roussel, charmante ferme pas très loin de chez moi qui offre ses agapes aux clients le samedi. C'est fou toute cette tranquilité quand on y arrive: on respire plus profondément, on relâche les épaules. Et pas ce bruit de fond de voitures et de circulation qu'on entend en ville. Je suis accueillie par un petit chien qui porte un de ces colliers qui pouchepoute de la citronelle s'il se met à japper. Je crois qu'il flaire en moi la préférence pour les chats. Je suis pas experte en synergologie canine, mais l'absence de branlement de queue et tout son corps qui reste raide ne doit pas mentir. Il reste poli mais distant et m'indique que je suis chez lui en me fixant stoïquement jusqu'à ce que je sois entrée dans la grange. Note mentale: apporter des gâteries pour chien la prochaine fois.

L'intérieur est rustique, c'est joli sans qu'on essaie que ça le soit. La ciboulette en fleur est plantée dans des verres d'eau, les paniers en osier ou en plastique ne sont pas assortis, et le kale est immense! Ça sent la terre et les racines, ça sent bon. Un boulanger local a laissé traîner ses belles miches parfumées aux pruneaux sur le petit bout de comptoir près de la caisse.

Bien sûr, j'ai mon sac réutilisable et j'aide à y déposer la bette à carde, la laitue, les oeufs, la choucroute et les autres trésors qu'on offre ce jour-là. J'emballe tout, sauf le petit bout de tige qui s'est détachée d'une feuille de kale et que j'ignore sur le comptoir. Quand j'ai fini de payer et que j'empoigne mon sac, la maraîchère prend la petite tige comme un trésor et me la tend avec un sourire: "Ça vous fera quelque chose de bon à mâchouiller sur la route!"

Je ne sais pas si elle a vu la surprise sur mon visage, tout juste l'espace d'une nano seconde. J'ai soufflé un "merci" et glissé la tige dans mon sac. Je l'aurais ignoré, voire jeté, moi, ce petit bout de légume pas sexy du tout. La commis à la caisse dans la grande chaîne probablement aussi. Ainsi que le commis qui doit faire des étalages parfaits. Mais pas la maraîchère. Pas celle qui sait tout ce que ça représente de temps, de patience et de labeur ce petit morceau de légume. Terre-mère: une longue dissertation de Buddha sur le respect et la compassion ne m'aurait pas plus profondément impressionnée.

J'ai cuisiné mes légumes dans un nouvel état d'esprit ce soir là et encore depuis. Il va s'en dire que j'ai pris soin de garder pour la fin la petite tige que j'ai apprêtée avec grand soin. Et avec reconnaissance.

À votre santé,

Pat

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